Le retour à la maison

Un morceau de jument scotch-tapé à une guitare. C’est la première chose que je remarquai en entrant chez moi. Mon regard se posa ensuite sur la longue joue grise agrafée à mon épouse, poignardée dans le ventre à environ soixante reprises et visiblement décédée – sans doute, pensai-je, à cause des coups de couteau reçus. Je constatai ensuite qu’un microphone vintage incorporé à une gourde translucide avait été installé entre deux boîtes de céréales sur la table du salon. Je me demandai, décontenancé, depuis quand nous possédions des Fruit Loops. J’en conclus qu’elles avaient dû être apportées en même temps que le microphone.

J’enlevai mon manteau, mais décidai de garder mes souliers par fantaisie. J’enjambai mon épouse, légèrement irrité, et me dirigeai vers l’espèce de pupitre rose dans lequel j’avais l’habitude de ranger mon chapeau. J’en soulevai le couvercle et découvris, présentée dans la tête défoncée et évidée de ma femme, une scène tout à fait cocasse : deux petites souris empaillées chevauchant un long, long botche de cigarette. Je pouffai de rire. J’oubliai de ranger mon chapeau ; c’était il y a deux ans et je me rends compte qu’il est toujours dans ma main.

Après avoir refermé le pupitre, j’aperçus à ma gauche une réplique miniature de moi-même planant au-dessus d’une version grandeur nature en cristal. C’en était trop. Je pris la décision de contacter les autorités. En quête du téléphone, j’enjambai de nouveau mon épouse. Je remarquai qu’elle avait été décapitée et fis aussitôt le lien avec sa tête, que j’avais vue dans mon pupitre. Je résistai à l’envie de faire des gestes de DJ sur son cou tronçonné.

J’atteignis le téléphone et composai le 9-1-1. À ma grande frayeur, j’entendis une sonnerie à l’étage: les policiers se trouvaient déjà chez moi. Je pris mes jambes  à mon cou pour ne jamais revenir.

Cet article, publié dans Histoires sordides, est tagué , , , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Laisser un commentaire